Le bip qui a ébranlé Beyrouth : à l'intérieur des voix de la catastrophe des téléavertisseurs au Liban
Les 17 et 18 septembre 2024, le Liban a été le théâtre d'une série d'attentats sans précédent, qui semblaient tirés des pages d'un thriller de haute technologie. Des milliers de bipeurs et de talkies-walkies, appartenant principalement à des agents du Hezbollah, ont soudainement explosé dans tout le pays. Les attentats ont fait au moins 26 morts et plus de 3 250 blessés, submergeant le système de santé libanais déjà mis à rude épreuve.
Quelle que soit sa position à l'égard du Hezbollah - partisan ou détracteur - personne au Liban ne pensait qu'une telle attaque était possible. Pour être honnête, il est probable que peu de gens dans le monde ont pensé qu'une telle chose pourrait se produire. Alors que la poussière retombe, les différentes voix du Liban s'élèvent en un chœur d'incrédulité, d'inquiétude et de spéculation.
Voyons comment les différentes communautés libanaises et les médias interprètent ces événements et ce qu'ils pourraient signifier pour l'avenir de cette nation complexe.
Le Hezbollah et la communauté chiite : Un appel aux représailles
Al-Akhbar, un journal connu pour sa position pro-Hezbollah, a présenté les attaques comme un "lâche assaut" d'Israël. Dans un éditorial, le journal a déclaré : "Ces attaques ne visent pas seulement le Hezbollah :
"Ces attaques ne visent pas seulement le Hezbollah, mais tout le Liban. Elles représentent une escalade évidente de la part d'Israël et démontrent jusqu'où l'entité sioniste est prête à aller pour saper la sécurité du Liban. Il s'agit d'une violation manifeste de notre souveraineté et d'une tentative désespérée d'affaiblir la résistance".
L'article d'Al-Akhbar va plus loin, décrivant les attaques comme faisant partie d'une stratégie néocoloniale plus large.
"Le néocolonialisme, malgré ses différents outils, s'appuie toujours sur les mêmes vieux principes : le contrôle des ressources et le maintien des autres peuples dans un état constant de subordination. Ce qui s'est passé au Liban nous rappelle une fois de plus que ces forces ne cesseront d'utiliser tous les moyens pour assurer le maintien de leur suprématie."
Voix de l'opposition : Inquiétudes quant à une escalade
De l'autre côté de l'échiquier politique, des voix critiques à l'égard du Hezbollah s'inquiètent d'une escalade potentielle. Annahar, un important quotidien libanais, a souligné la gravité de l'impact des attaques et la situation complexe dans laquelle se trouve le Hezbollah.
Dans un article d'analyse, Ali Hamadeh écrit : "L'opération #Pager peut être considérée comme l'une des plus grandes attaques qu'Israël ait menées en quatre décennies contre le Hezbollah. C'est vraiment plus qu'un coup douloureux. C'est un désastre qui frappe le parti susmentionné à tous les niveaux, de la sécurité et de l'armée à l'organisation et à la société. Par conséquent, les options disponibles et indisponibles du Hezbollah doivent être soigneusement examinées".
Bien que la critique de Hamadeh à l'égard du Hezbollah soit subtile, elle est digne d'intérêt dans le paysage médiatique complexe du Liban. La formulation prudente reflète l'équilibre délicat que les journalistes libanais doivent trouver lorsqu'ils abordent des questions politiques sensibles. Critiquer ouvertement le Hezbollah ou apparaître comme sympathisant d'Israël pourrait potentiellement mettre en danger à la fois l'auteur et le journal. Ainsi, l'analyse de Hamadeh, qui remet implicitement en question l'état de préparation du Hezbollah et souligne la gravité de l'attaque israélienne, représente une critique prudente mais significative dans le cadre des contraintes des réalités politiques du Liban.
La nature nuancée de ces commentaires souligne les défis auxquels sont confrontés les médias libanais pour assurer une couverture équilibrée du conflit. Elle met également en évidence la lecture sophistiquée requise par le public libanais, qui doit souvent lire entre les lignes pour discerner toutes les implications de l'analyse politique dans les médias nationaux.
La perspective chrétienne : Pris au milieu
L'Orient-Le Jour, un journal francophone reflétant les points de vue des chrétiens libanais, a exprimé sa profonde inquiétude face à l'escalade du conflit et à ses implications pour le Liban. Dans un éditorial rédigé par Fifi Abou Dib, le journal déclare :
"Nous n'avons jamais vu une telle guerre. Au Liban, elle oppose les Israéliens, colonialistes insatiables et farceurs sadiques, aux combattants eschatologiques du Hezbollah pour qui la mort et le temps ne sont rien tant qu'ils font partie de la volonté divine. Entre les feintes aventureuses des uns (comment oublier la mini-guerre des étoiles iranienne en avril ?) et les attaques sournoises, presque personnelles, des autres, nous nous dirigeons vers un conflit généralisé, au moins à l'échelle régionale".
L'éditorial poursuit en mettant en garde contre le potentiel de destruction généralisée.
"Compte tenu des moyens mis en œuvre, il n'y a pas besoin d'un arsenal nucléaire pour tout détruire. Je ne sais pas ce que sera la troisième guerre mondiale, mais ce dont je suis sûr, c'est que la quatrième guerre mondiale sera résolue avec des bâtons et des silex", écrivait Einstein. Nous ne sommes pas loin de manquer une case pour passer directement au quatrième délire planétaire".
Cette perspective reflète la situation complexe des chrétiens au Liban. Autrefois majoritaires, ils représentent aujourd'hui, selon les estimations, 30 à 40 % de la population. De nombreux chrétiens se sentent pris en étau entre les puissances régionales et craignent que les conflits impliquant le Hezbollah ne conduisent à une instabilité qui affecterait de manière disproportionnée les communautés minoritaires.
Une nation en état de choc
Alors que le Liban est aux prises avec les conséquences de ces attentats, la nation se trouve à un moment critique, unie dans un sentiment commun d'incrédulité. Les diverses voix qui s'élèvent au Liban, bien que souvent divisées sur des questions politiques, expriment collectivement un profond choc face à la nature et à l'ampleur de ces attaques.
L'éditorial d'Al-Akhbar reflète ce sentiment de choc et de défi :
"Par un mardi après-midi ordinaire, l'impensable s'est produit. Alors que des centaines de personnes saisissaient leur téléavertisseur, chaque appareil s'est soudain transformé en une entité hostile et s'est autodétruit sous les yeux des jeunes. Les gens se sont retrouvés déconnectés, piégés dans un monde où leur compagnon numérique était devenu leur pire ennemi".
L'article poursuit en décrivant l'attaque comme faisant partie d'un conflit technologique plus large.
L'objectif de l'ennemi sioniste n'était pas seulement d'endommager le corps de la résistance, mais aussi de perturber leur processus de transformation numérique et de contaminer le mot "technologie" dans leur esprit.
Ce sentiment est partagé par l'ensemble du spectre politique. La nature sans précédent des attaques a forcé de nombreuses personnes à reconsidérer ce qu'elles pensaient savoir sur la guerre moderne.
Si l'on s'attendait à entendre des voix favorables à la motivation d'Israël pour dissuader le Hezbollah, ces attentes seraient trop optimistes. D'un bout à l'autre de l'échiquier politique, le soutien ouvert à Israël reste tabou.
Pourtant, sous la surface de ce front uni, des fissures commencent à apparaître. À travers ces fissures, on peut déceler une frustration et une colère croissantes à l'égard des actions du Hezbollah. De nombreux Libanais, sans être ouvertement critiques, expriment en privé leur ressentiment d'être entraînés dans un conflit qu'ils n'ont pas choisi et qu'ils ne souhaitent pas. Ce mécontentement sous-jacent, même s'il n'est pas pro-israélien, révèle une population de plus en plus lasse de l'influence du Hezbollah sur le destin du Liban.
Tolik is an Israeli producer and screenwriter with a diverse career in the Israeli media. He has written for numerous popular Israeli television shows and contributed to various TV networks and newspapers, and has a background in screenwriting, copywriting, and advertising.