La ligne de vie économique de l'Égypte menacée : L'impact des attaques des Houthis sur le canal de Suez
Les récentes attaques du groupe Houthi du Yémen contre les routes navales de la mer Rouge ont suscité une grande colère en Égypte, un pays dont la prospérité économique dépend fortement du canal de Suez. Le président Abdel Fattah el-Sisi a souligné l'importance du canal de Suez lors de l'exposition internationale Egypt Energy 2024, en déclarant que ses revenus s'élevaient à 10 milliards de dollars par an. Cependant, ces revenus ont chuté de 40 à 50 % en raison des récentes attaques des Houthis visant la navigation maritime dans la région.
Les attaques menées par les rebelles houthis contre des navires à destination d'Israël dans le sud de la mer Rouge ont incité les grandes compagnies maritimes à détourner leurs voyages commerciaux du canal de Suez, optant plutôt pour un contournement de l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Ce changement stratégique a non seulement perturbé le commerce avec Israël, mais il a également placé le conflit israélien avec Gaza sous les feux de la rampe, les attaques des Houthis visant à faire pression sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu immédiat.
L'Égypte est l'une des nations les plus touchées en raison de la perturbation du trafic maritime dans le détroit de Bab el-Mandeb et de l'escalade des tensions militaires dans le sud de la mer Rouge. Cette situation a un impact direct sur la route commerciale la plus importante au monde, puisque 12 % du commerce mondial passe par le canal de Suez. Le canal est une source vitale de devises pour l'Égypte, dont les recettes ont atteint le chiffre record de 9,4 milliards de dollars l'année dernière.
Plusieurs grandes compagnies maritimes, dont CMA CGM, Hapag-Lloyd, Maersk, MSC, Zim et BP, ont annoncé la modification de leurs itinéraires de navigation, en évitant la mer Rouge et le canal de Suez. Cette mesure de précaution prise par les géants du transport maritime a entraîné des hausses de prix et des retards dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Si l'impact reste relativement mineur pour l'instant, la poursuite des perturbations devrait faire grimper les prix de manière significative au fil du temps.
La formation d'une force navale multinationale par les États-Unis le 18 décembre vise à protéger les navires commerciaux opérant dans la région. Toutefois, l'Égypte, comme d'autres pays arabes, reste réticente à l'idée de rejoindre cette coalition dirigée par les États-Unis en raison des inquiétudes suscitées par la politique américaine à l'égard de l'Iran et de ses mandataires.
Ashraf Abu al-Haul, rédacteur en chef du journal égyptien Al-Ahram, a déclaré à ALL ARAB NEWS que les appréhensions arabes découlaient d'un manque de confiance dans les positions américaines à l'égard de l'Iran et de ses milices. Les États arabes ont reçu des critiques et des pressions de la part des États-Unis, plutôt qu'un soutien, lors de leur confrontation avec les Houthis au Yémen depuis 2015.
En outre, les nations arabes craignent de plus en plus que toute participation à une coalition contre les Houthis n'entraîne des attaques de représailles contre des villes arabes. Les dirigeants égyptiens, représentés par el-Sisi, privilégient les solutions diplomatiques aux questions sensibles, s'abstenant de s'engager dans le conflit du Yémen pour protéger les revenus du canal de Suez.
Thomas S. Warrick, directeur du projet Future of DHS et ancien fonctionnaire du département d'État américain, a souligné l'importance des efforts arabes, en particulier des initiatives diplomatiques égyptiennes, pour mettre fin aux attaques des Houthis contre les navires internationaux. M. Warrick souligne que ces attaques ne portent pas seulement atteinte aux civils yéménites, mais qu'elles perturbent également le commerce mondial, mettant en évidence l'allégeance des Houthis à Téhéran plutôt qu'au bien-être du peuple yéménite.
Malgré les tentatives de l'Égypte de rester neutre vis-à-vis de l'Iran et de ses mandataires, les dommages infligés au canal de Suez soulignent l'existence d'un fossé important entre la population et les dirigeants égyptiens, d'une part, et les rebelles houthis, soutenus par l'Iran, d'autre part. Le canal de Suez revêt une grande importance nationale et économique pour l'Égypte, sa nationalisation en 1956 ayant constitué un moment charnière dans l'histoire égyptienne, cimentant son rôle de symbole de la fierté nationale et de la prospérité économique.
Alors que l'Égypte est confrontée aux répercussions des attaques des Houthis, la vénération historique de la nation pour le canal de Suez souligne l'impact profond de ces assauts sur son identité nationale et sa stabilité économique. La résilience du peuple égyptien et de ses dirigeants dans la sauvegarde des intérêts du canal au milieu des troubles régionaux reflète un engagement à préserver l'héritage de l'Égypte en tant que porte maritime entre l'Orient et l'Occident.
Hadeel Oueis est chargé de recherche principal pour le Philos Project.