L'angle mort de l'OTAN : La Turquie d'Erdoğan et le lien avec le Hamas
L'évolution de la Turquie sous la direction du président Recep Tayyip Erdoğan présente l'un des paradoxes les plus préoccupants des relations internationales modernes : un État membre de l'OTAN qui soutient activement des organisations terroristes désignées tout en ne subissant que des conséquences minimes de la part de ses alliés occidentaux.
Les preuves de l'alignement croissant de la Turquie sur l'organisation terroriste Hamas soulèvent de sérieuses questions quant à la volonté de la communauté internationale de faire face à ce changement.
La relation de la Turquie avec le Hamas a évolué bien au-delà du soutien diplomatique pour devenir ce qui s'apparente effectivement à un parrainage d'État d'une organisation terroriste désignée. Cette relation a commencé à prendre forme après la victoire électorale du Hamas en 2006.
Toutefois, c'est en 2011, à la suite d'un accord négocié par l'Égypte qui a vu Israël libérer des prisonniers palestiniens en échange du soldat de Tsahal Gilad Shalit, que la Turquie s'est systématiquement transformée en la plus importante base d'opérations du Hamas en dehors de la bande de Gaza.
Ce rôle est devenu encore plus crucial après que le Hamas a perdu un soutien régional important à la suite de la chute du gouvernement égyptien de Morsi. Cet arrangement a donné au Hamas une liberté sans précédent pour mener des activités depuis le sol turc, avec des fonctionnaires de haut rang opérant librement sous la protection explicite du gouvernement d'Erdoğan.
La position du gouvernement turc sur le Hamas est devenue de plus en plus effrontée, Erdoğan et d'autres hauts fonctionnaires rejetant ouvertement la désignation du Hamas en tant qu'organisation terroriste. Au contraire, ils qualifient le Hamas de mouvement de résistance légitime, en contradiction directe avec la position des alliés de la Turquie au sein de l'OTAN.
Le rôle de la Turquie est devenu particulièrement crucial pour le Hamas suite à la perte du soutien d'autres acteurs régionaux, notamment après la chute du gouvernement Morsi en Égypte.
Infrastructure opérationnelle et soutien
Le réseau de soutien de la Turquie fonctionne par le biais de canaux financiers et opérationnels sophistiqués. Le Hamas est représenté officiellement par Jihad Yaghmour, qui a participé à l'enlèvement du soldat de Tsahal Nachshon Waxman en 1994.
Le gouvernement turc a mis en place un système de soutien complet par l'intermédiaire de la TIKA (Agence turque de coopération et de coordination) et de diverses organisations de façade. Les services de renseignement turcs (MIT) entretiennent des contacts opérationnels réguliers avec les représentants du Hamas, tandis que les banques turques facilitent les transactions pour les entreprises affiliées au Hamas.
L'ampleur du soutien financier de la Turquie au Hamas est considérable. Un rapport de 2014 du département du Trésor des États-Unis a identifié la Turquie comme la principale plaque tournante des opérations financières du Hamas, avec des transactions annuelles estimées à des centaines de millions de dollars. Les banques turques, en particulier les institutions publiques, ont traité d'importantes transactions liées au Hamas, certains transferts individuels dépassant les 20 millions de dollars. Par l'intermédiaire du système bancaire contrôlé par la Turquie dans le nord de Chypre, le Hamas a également créé des sociétés écrans et des entreprises de façade qui facilitent l'évasion des sanctions.
L'infrastructure financière s'étend au-delà du système bancaire traditionnel. Les échanges de crypto-monnaies turques sont apparus comme des canaux clés pour le financement du Hamas, les sociétés d'analyse de la blockchain ayant identifié des flux de fonds substantiels par le biais de plateformes de monnaies numériques basées en Turquie.
En outre, les entreprises de construction turques opérant à Gaza ont été identifiées comme des canaux de financement du Hamas, plusieurs grands projets servant de véhicules pour les transferts de fonds.
Parallèlement à ces opérations financières, la Turquie a mis en place un réseau sophistiqué pour les activités commerciales du Hamas. En 2023, les entreprises affiliées au Hamas en Turquie comprenaient des sociétés technologiques, des investissements immobiliers et des sociétés d'import-export, avec des actifs totaux estimés à plus de 500 millions de dollars.
Une opération israélienne de 2018 a révélé des réseaux de recrutement direct du Hamas opérant depuis le sol turc, tandis qu'en juillet 2023, Erdoğan a personnellement accueilli le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, démontrant l'engagement continu de la Turquie envers la relation, même si les tensions régionales se sont intensifiées.
Tolik est un producteur et scénariste israélien dont la carrière dans les médias israéliens est très variée. Il a écrit pour de nombreuses émissions télévisées israéliennes populaires et a contribué à divers réseaux de télévision et journaux. Il possède une expérience en matière d'écriture de scénarios, de rédaction et de publicité.